Sur les chemins de la bohème

D’un pays à l’autre, d’une côte au soleil levant à celle du couchant, ma progression vers le nord infuse dans ces variations de coutumes et d’ambiances que la péninsule malaisienne offre. Le rythme cyclo-vagabond révèle toutes ces petites différences de cultures que l’on pense identiques en pressant le pas, mais aussi un envers du décors peu réjouissant.

Le décor à Perlis

Je retiens d’abord de la Malaisie une mixité culturelle fascinante et cette hospitalité que les pays peu touristiques savent offrir. Cette dernière semaine dans le pays fût à cette image.

Grâce à la communauté parapente et Jenx de Kuala Besut j’ai eu la chance de pédaler avec un certain Khalib. Ensemble nous sommes partis en direction de la Thaïlande à travers trois états du nord ouest dont Kedah, Penang et mon préféré de tous Perlis.

Les petites routes de rêve à Perlis. Cap sur la Thaïlande

Chaque soir, c’est chez l’un de ses nombreux amis, tous hyper sympas et accueillants, que l’on s’écrasaient de fatigue. Essayer de suivre Khalib n’étant pas une mince affaire.

Khalib la légende
Chez Chukor à Gurun

Extrêmement solide physiquement par son passé d’athlète professionnel, Khalib soutient encore un rythme qui impose de s’accrocher pour rester dans l’aspiration.
150 iron-man terminés dans sa vie, il fût classé au 10 ème rang des ces championnats pendant 10 ans. La quantité de médailles pendouillantes dans son atelier donne un bref aperçu de son pedigré.

Pas d’inquiétude, j’ai saboté sa roue pour le ralentir

C’est surtout son attitude et sa génerosité qui le rendent à part. Réussir à payer quelques repas devient une négociation ardue et un petit jeu de coude à coude au comptoir. J’ai tout de même réussi à l’inviter quelques fois en guise de remerciements, mais non sans peine.
Le plaisir de partager des moments avec ses amis et sa famille restera un temps fort de la Malaisie. C’est le coeur lourd que l’on s’est serré la poigne avant la frontière Thaïlandaise et l’esprit remplis de souvenirs inestimables.

Au Q.G de Serdang avec sa femme et ses enfants. Bientôt le départ sur les chemins de la bohème
Chez Idriss, l’hospitalité est une religion à Perlis

Les variations de coutumes

Les exemples ne manquent pas pour illustrer les disparités culturelles en Malaisie, comme en France d’ailleurs. En voici un rapide échantillon:

Certaines spécialités sont disponibles uniquement dans un ou deux états sur les 13 que compte le pays. Notamment le Nasi kerabu de Kelantan qui est un riz bleu avec chips de poisson, agneau, piments, poêlés de légumes et jus de citron. Délicieux mais absent dans le reste du pays. Va trouver une Choucoutre au pays Basque ou une Truffade en Bretagne, ça n’est pas gagné.

Sur la côte ouest la nourriture chinoise et indienne est largement répandue alors qu’à l’est elle se fait rare. Les Chinois et Indiens étant majoritairement concentrés à l’ouest. Seul les “Rotis”, ces genres de crêpes croustillantes d’influences indiennes se dégustent partout. À mon grand plaisir puisque le “Roti canaï” (sauce façon dal aux lentilles et curry) constitue un petit-déjeuner de choix avant une longue étape montagneuse.

Roti Canaï, la base.
Le vendredi est un jour saint pour les musulmans, alors festoyons

Mon apprentissage naissant du Malais est également devenu confus avec toutes les variations de langage. Par exemple à Kelantan le poisson se traduit  “iké” alors que dans l’état voisin du Terrenganu c’est “ikang”. “Chianti” (magnifique) est traduit par “Chow mei” sur la côte est. La noix de coco nommée “Kelapa” dans la plupart des états se nomme “Nyok” à Perlis.

Dans les états du nord-ouest ils fument le tabac dans des feuilles de palmes séchées, alors que dans la majorité du pays les Marlboros sont consommées. J’ai été surpris par la consomation massive de tabac. Que ce soit les jeunes, les anciens une énorme part de la population a la clope au bec.

À Perlis, les amis de Mahamod, un copain parapentiste rencontré à Besut, m’ont fait essayer cette fameuse cigarette de palme. Fumer sans filtre m’a évidemment décroché la toux et les poumons au passage. Le manque d’habitude oblige.

Dans un bouibui typique de Perlis. Ce jour là je n’ai pas été très loin…

L’écologie ?

Cependant, certaines constantes sont effrayantes comme la présence massive des déchets plastiques dans la nature, la surconsommation des plastiques à usage unique et la tendance nationale à focaliser sur l’huile de palme.

Monoculture de palmiers à perte de vue dans le centre de la Malaisie

La Malaisie est le deuxième producteur et exportateur mondiale d’huile de palme derrière l’Indonésie. La doctrine économique de l’huile de palme laisse peu de place pour d’autres cultures nourricières. À part peut-être le riz dans le nord-ouest, la tomate et le thé dans les Cameron Highlands, les productions sont tournées vers la palme. La déforestation massive associée à ces plantations de palmier m’a laissé vaseux. Dans le centre du pays, j’ai vu ces immenses cratères mis à nus, inertes et défoncées par ces engins coupeurs d’arbres. Ça fait réfléchir quant à la petite tartine de Nutella du matin qui semble innocente, mais qui en réalité ne l’est pas. Fin de la parenthèse anxiogène.

Bienvenue en Thaïlande

Railey beach, Krabi

Six semaines après mon entrée en Malaisie la Thaïlande m’accueille, sous la pluie.
En l’espace d’une frontière je passe d’une monarchie à une autre. La Malaise et la Thaïlande étant gouvernée par des Rois. Une ligne imaginaire censée séparer deux royaumex, sauf que le changement s’avère beaucoup plus diffus et progressif qu’un poste migratoire. J’adore les frontières terrestres pour observer cette palette de changements et aussi de ressemblances.
Passeport tamponné, imperméable enfilé me voilà à embrayer le deuxième plateau sur les impeccables routes Thaïlandaises en pleine saison des pluies.

Une saison des pluies qui remplis les réservoirs

Les temples bouddhistes

Prachuap Khiri khan

Progressivement vers le nord les temples bouddhistes et leurs couleurs vives deviennent majoritaires dans le décor public.


Le soir venu je n’hésite pas à toquer à la porte pour poser ma petite tente à l’abri des pluies tropicales. L’accueil y est bon quoique variable. La barrière de la langue n’aidant pas, le contact est souvent bref. Juste de quoi me montrer le lieu pour m’installer. Pour l’instant, le seul véritable échange que j’ai eu avec les moines fût à Thap Put, une petite bourgade au nord de Krabi. Une journée particulièrement horrible, sous la pluie battante, me voit débarquer dans un sale état aux portes de ce temple. Une dizaine de chiens à l’entrée m’accueillent dans une cacophonie d’aboiements. Ils font les gros durs, mais en réalité ils ne font que brasser l’air et déguerpissent à la première hausse de voix.
Les moines sortent intrigués par ce grabuge. Je descends du vélo, “Sawat dee khrap” (bonjour), signe de politesse les deux paumes jointes au niveau du sternum. Deux moines en particulier se marrent de me voir dans cet état dégoulinant. Aucun problème pour ma tente, mais mon chargement et les drapeaux intriguent. Ils amorcent les habituelles questions dans un Anglais parfait. Je leur demande si d’autre cyclos se sont arrêtés ici auparavant vu leur niveau de conversation. Surpris d’être le premier avec la quantité de cyclo-voyageurs ayant déjà empruntés ces routes.
J’ai été traité dans ce temple comme rarement. Ils me donnent de l’eau potable, un ventilateur, un sac remplis de longkongs ces petits fruits jaune très addictifs et des biscuits. Histoire de soigner la glycémie d’entrée de jeu.
Ils me laissent prendre une douche après cette journée humide. Le luxe ! Ils éteignent même les lumières extérieurrs pour que la nuit soit noire et réparatrice. Pour vous, cela peut paraître banal, pour moi c’est énorme !
Au réveil, un petit-déjeuner délicieux m’attend et au moment de partir on me donne même un repas pour le midi.
Je repars comme neuf vers de nouvelles aventures.
“Koh pun khrap” ( merci) !!

Ma petite tente sou l’œil éveillé de Boudha à Thap put

L’alphabet en Thaïlande est différent et les premiers panneaux écrits en signes, non plus en lettres me laissent entrevoir de future difficultés pour lire le menus des échopes locales. L’anglais dans les campagnes est absolument inexistant et comme j’ai décidé de ne pas acheter de carte sim locale, google ne m’aidera pas. Je me débrouille avec les signes et quelques mots basiques appris grâce au fil incessant des rencontres. J’apprends notamnent “Sawat dee khrap”: bonjour en Thaï et “koh pun khrap”: merci. Ces deux expressions brisent la glace immédiatement, mais dès que la conversation se poursuit dans cette langue compliquée je botte en touche.

Cependant, les basiques de la délicieuse cuisine Thaï, ont facilement été intégrés. Les Path Thaï sont les nouilles avec pousses de soja, légumes, piments, cacahuètes et viandes parfois. Le Som tam est la fameuse salade de papaye verte garnies d’une multitudes de crudités. Le Tom yum est une soupe épicé remplis de légumes et de poisson. Khao c’est le riz et lorsqu’il est frit Khao path. Je me régale de saveurs à la coriandre, au basilic, piment, sauce soja et aigre douce. Les Thaïlandais adorent les herbes, les épices et les bouillons.
Une cuisine que je trouve très équilibrée et verte.

Bon appétit
Riz collant dans sa petite corbeille en palme

Comment parler de la Thaïlande sans évoquer ses paysages.
Je vous laisse avec une série prise dans le sud du pays autour de Krabi.

Krabi style
Lorsque la saison des pluies arrêtent ses caprices, les bivouacs reprennent
Railey east

À la prochaine et prenez soins de vous.
Bisous

Steve’o

Publié par Un Tour d'Aile

Tour du monde à vélo, voilier-stop et parapente.

15 commentaires sur « Sur les chemins de la bohème »

  1. Salut l’artiste. Toujours plus passionnant de pays en pays. Deux petits commentaires te permettant de poursuivre sereinement ce périple.
    1: essaie le chichon plutôt que la cigarette
    2: poursuit ces belles rencontres fructueuses et enrichissantes.
    Pour terminer, je persiste et signe, on va se faire de la thune avec le bouquin.

  2. Incroyable, fascinant et tellement intéressant!.Nous découvrons grâce à toi des lieux inoubliables et très riches culturellement et aussi humainement.
    J adore!! Signe une de tes grandes fans😍😍

  3. Salut le champion. Te voilà en Thailande, que de belles photos dans ce beau pays. J’admire ton courage ,pédaler sous la pluie avec tout ton chargement il faut du mental. Tu pourras écrire un magnifique livre voire faire un film . Bonne continuation et bientôt visite de tes parents et grands parents. Bises.

  4. Merci de nous raconter ton périple avec autant de détails, on a l’impression d’être avec toi.
    Les photos sont magnifiques !
    Continue d’en profiter un max. Fais bien attention à toi.
    Vivement la lecture de tes prochaines aventures 😉

  5. Périple passionnant, je vous suis avec un doigt (et une loupe) sur les cartes de mon atlas. Superbes photos. Les infos sur la cuisine des deux pays nous mettent l’eau à la bouche… et me rappellent bien des souvenirs. J’ai séjourné à Krabi il y a 25 ans. Bonne continuation, merci de partager vos aventures.

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