L’Océanie laisse place à l’Asie

Une partie de l’océan indien et trois mers séparent le continent Australien de l’Asie. Mon vélo ne flottant encore pas tout seul, j’ai dû chercher un ultime embarquement depuis Darwin pour rejoindre Singapoure. La dernière navigation d’une longue épopée maritime débutée sur les rives méditerranéennes de Port Camargue.

En route vers l’Asie

Décembre 2020

En se taillant à vélo sous la neige savoyarde puis en hissant les voiles en plein hiver vers le redoutable cap Creus, il fallait se douter d’une suite riche en péripéties. Cette histoire rocambolesque a tenu des promesses aussi épiques que houleuses.
À commencer par le passage de Gibraltar à l’arraché avec un enrouleur de génois bloqué, puis la perte d’un gouvernail en mer des Caraïbes, un échouage à l’entrée du canal de Panama, un mat en mer de Cortés qui vascille dangereusement, un passage très tourmenté du pot au noir en plein pacifique, le déclenchement d’un arc électrique avec le mat au Vanuatu, un incendie à bord au large de l’Australie. La liste est à rallonge ! La plupart des terriens ne se rendent pas compte à quel point un voilier nécessite des compétences multiples en bricolage et un travail constant pour le conserver en état de naviguer. Malgré les listes de travaux qui n’en finissent plus ce mode de vie choisi demeure un privilège énorme.

Réparation de l’enrouleur de génois aux cook islands sur le vieux renard

Certains moments extraordinaires resteront à jamais gravés dans ma mémoire comme le départ de Transatlantique, l’arrivée aux îles Marquises, les baleines et raies sauteuses en mer de Cortés, le Cabo de la Vela au large de la Colombie et les surfs sauvages du Stern à 17 noeuds, le passage du canal de Panama, franchir l’équateur en plein pacifique, Tahiti, un survol en parapente de Bora-bora, les habitants du Vanuatu, les explosions du Volcan Yasur à Tanna, 208 miles en 24 heures sur le vieux renard, l’île des pins, des heures de spi à surfer la mer de Java… et évidemment des milliers de rencontres inspirantes au fil des pontons, mouillages et routes de traverses des îles de notre planète bleue. Certaines pépites restent, d’autres s’estompent, ainsi va le fil tumultueux des souvenirs.

Au réveil, post quart, je découvre cette île volcanique au large de Komodo. Indonésie
La perle du Pacifique

Une telle aventure est avant tout humaine

Ces traversées furent envisageable grâce aux capitaines Landry, Gilles Melon, Andrew, Noël, Gilles Ruffet qui m’ont transmis les ficelles du métier et sans qui rien n’aurait pu être possible. Du pur régatier au punk aventurier des mers, ils m’ont appris la navigation d’une manière différente. Chacun avait son style, une façon de lire la mer, une vision de la vie et du voyage qui leur étaient propre. J’ai parfois eu quelques désaccords avec certains, mais j’éprouve une grande gratitude envers eux pour m’avoir accepté à bord puis transmis tant de savoir vivre et savoir faire. Embarquer sur un voilier avec des inconnus pour de longues traversées développe la tolérance et l’ouverture d’esprit, mais créé aussi d’intenses connexions entre des personnes devenant inévitablement amis (si tu ne t’égorges pas avant 🤣).

Mieux vaut s’entendre dans un espace aussi restreint qu’est le voilier.

La dernière entre l’Australie et l’Asie

Pour cette dernière traversée, je ne pouvais rêver meilleur capitaine.
Tout s’est accéléré si vite à Darwin. Dès le premier jour sur place deux opportunités tombent suite à des tournées de pontons à Dinah beach, Cullen bay et au Darwin sailing club.
Gilles Ruffet et Coccinelle, son voilier de 11 mètres, s’est très rapidement imposé comme le meilleur choix possible. Ce breton n’est plus à son tour de chauffe.  À 30 ans il boucla un premier voyage de 25000 miles nautiques (48000km) de Morlaix à Morlaix à bord d’Orca, son premier voilier. Un dériveur de 25 pieds (7 m) qu’il a le plus souvent manié seul au fil des trois océans du globe.

Coccinelle sur sa béquille à Darwin

Nous partageons cette fougue et cette capacité à lâcher prise au moment des départs. Attendre d’être parfaitement prêt pour lever l’ancre se résume souvent par l’absence de départ. Les coquillages envahissent la coque, les voiles moisissent et le gréement rouille tout comme les plans sur la comète qui finissent aux oubliettes. Combien de voilier aux projets de tour du monde hyper ambitieux vont réellement au bout? Assez peu finalement. Nous en avons parfaitement conscience avec Gilles et comme il le dit si bien: ” il ne faut pas se tromper d’objectifs”. Nous hissons donc les voiles sans attendre, tout en acceptant la grande part d’inconnu que réserve la mer. Une célèbre citation de Platon disait: ” il y a trois types d’humain , les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer”.

Gilles et le fameux spi salvateur dans le petit temps

Gilles est un marin modeste, qui reconnaît  ses erreurs et accepte celle de l’équipier. Quel plaisir j’ai eu à naviguer avec un capitaine qui n’a pas la grosse tête. Sa capacité pour trouver des solutions à quasiment tout m’a également impressionné. Tant que le problème n’est pas réglé, il ne lâchera pas l’affaire.  Son visage ne trahit pas lorsqu’il réfléchit frénétiquement à une solution, qu’il finit par trouver.  Bon… Il sait aussi coincé le spi dans la barre de flèche et oublié de changer la courroie de la pompe à eau de mer. Quant à moi je fais encore les noeuds de taquets pas bien croisés 🤣.

Navigation en “ciseaux”. Parfait pour le plein vent arrière.

Pendant  ces 15 jours de mers nous avons parfaitement cohabité, en se relayant pour les quarts ou à la barre lorsque le spi était déballé. À chaque surf un peu plus rapide que le précédent, on jubilait devant le compteur affichant 9,5 nœuds, parfois 10 nœuds. On se passait la barre en essayant de craquer le record de vitesse de l’autre. Des vrais gamins jouant avec le vent. Coccinelle raffolait de ces surventes et nous on se marrait. Un petit jeu qui nous a tout de même coûté quelques “départs au tas”, pendant lequel le bateau se couche sous le vent en attendant qu’une écoute soit choquée (libérée). La nuit on ne s’amusait pas avec le spi car manœuvrer à 3 heures du matin, tout endormis sous une pluie battante est particulièrement désagréable.

Le spi ou la “bulle” comme on s’amuse à l’appeler.

Cette traversée a également été marquée par un trafic maritime intense. La quantité de pêcheurs dans les eaux Indonésiennes,  notamment au nord de Java, a nécessité une attention accrue. À la nuit tombé, ils rôdaiennt à la recherche du poisson et leurs caps changeant très fréquemment rendaient toute anticipation aléatoire. Certains se sont approchés à quelques dizaines de mêtres.

Désormais, place au dernier quart de ce tour du monde de la Malaisie jusqu’en France à vélo. Une dernière étape qui s’annonce tout aussi épique. Un dépaysement culturel certain, une chaleur plombante et déja quelques belles envolées en parapente ont déja pimentés ces premiers tours de roue sur le continent asiatique.

Batu caves à Kual lumpur, la capitale.

À la prochaine sur les routes Malaisiennes.

Steve

Publié par Un Tour d'Aile

Tour du monde à vélo, voilier-stop et parapente.

10 commentaires sur « L’Océanie laisse place à l’Asie »

  1. Bonjour. Toujours très agréable de lire tes commentaires qui nous font voyager avec toi. Bon courage pour clore ce merveilleux tour du monde de la Malaisie en France. Bon vélo sur les routes malaisienne. Tchao bisous.

  2. Effectivement, tellement de belles choses avec tant de diversité ça forge l’esprit et ça tisse des liens. Poursuit cette aventure avec gourmandise celà enrichira l’écriture du grand livre. Allez biz et rdv en octobre

  3. Comme dab magnifique.que de belles aventures à raconter dans un livre. Fini la vie de marin , place a celle de terrien. Bonne route et rdv en octobre pour quelques séances de mécanique.

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