Lorsque les mâts se confondent aux gratte-ciels
Cette baie est connue dans le milieu de la voile, pour accueillir le départ de la fameuse course Sydney-Hobart, le jour du “boxing day”.
Chaque 26 décembre, une centaine de voiliers s’élancent en direction de la Tasmanie, via le houleux détroit de Bass afin de remporter un des titres les plus prestigieux de la course au large.
Comment imaginer que deux jours après mon arrivée à Sydney je participe à une régate dans ce lieu chargé d’histoire ? Je n’en reviens toujours pas.

Jeff, mon hôte “warmshowers”, outre ses nombreux voyages à vélo aux quatre coins du monde, est un passionné de navigation.
Son regard devient pétillant, lorsque je lui explique mon périple pour arriver jusqu’au pas de sa porte.
Il m’introduit naturellement à son club de voile, le R.A.N.S.A, pour postuler à la course hebdomadaire des vendredi soirs. Une opportunité comme celle-ci ne se refuse pas, même si mon état d’esprit est très éloigné du monde de la course.
Sur le tableau d’affichage du R.A.N.S.A, un certain Marc recherche des matelots pour manoeuvrer son 36 pieds (11m). Je l’appelle de suite et il me confirme la disponibilité du poste. Le rendez-vous est pris : vendredi à 16h30 pétante. Vite fait, bien fait!
La régate est un univers qui m’est parfaitement inconnu. Bien que mon expérience sur l’eau commence à devenir relativement intéressante, chaque voilier est différent, avec ses particularités et comporte son lot d’apprentissages. Il est très facile de faire une erreur sur un nouveau bateau, surtout dans ces conditions où la rapidité est la motivation première de chacun. L’expérience devient une notion toute relative puisque cette régate va me pousser très loin de ma zone de confort.
Dans un premier temps, je reste en retrait et me contente d’observer durant les premières minutes à bord avant le départ.
Marc, le capitaine d’Idle time, me propose le poste aux écoutes de génois avec Dave. Les écoutes sont les cordages qui relient les voiles aux winchs permettant leurs réglages à l’aide d’une bonne huile de coude.
Au premier virement de bord, je surpatte le winch et emmêle l’écoute. Bien joué Steve ! Heureusement, la course n’a pas encore commencée. Je corrige mon erreur aussi rapidement que je l’ai commise. Ces surpattages qui consistent a coincer l’écoute autour du winch, je les connais. Pas de panique, chaque problème a sa solution, qui consiste dans ce cas à libérer de la tension dans l’écoute en positionnant le bateau face au vent.

À 18h, lorsque la corne de brume retentit, notre équipe de neuf est à l’attaque d’entrée de jeu. On prends un départ correct au milieu d’une flotte impressionnante. Il y a des bateaux partout, serrés comme des sardines fuyant l’attaque d’un gros leurre. Idle time joue les coudes à coudes, il “frotte” dans le peloton.
Avec Dave, que je connais depuis 10 minutes, nous sommes au taquet dans le cockpit pour régler le génois, la voile d’avant. Notre temps est consacré à virer de bord, choquer (donner du mou) et border (tendre la voile) comme des mulets. Un vrai boulot de galérien. À chaque virement je me concentre comme jamais pour ne pas surpatter l’écoute.
Tout se passe à merveilles pour tenir la cadence et les manoeuvres s’enchaînent avec fluidité.
Marc barre comme un chef pour éviter les collisions et respecter les règles de priorités que je maitrise encore mal. Il donne également des consignes précises, sans hurler, afin d’optimiser chaque risée vis à vis des concurrents de la même catégorie.

À la bouée de mi-parcours, nous sommes six navires à préparer la manoeuvre, agglutinés comme des mouches.
Marc prend l’intérieur, on vire au bon moment pour repartir vers l’opéra de Sydney et la ligne d’arrivée dans le soleil couchant.
Bon sang, j’en ai encore la chaire de poule !

La présence des équipages professionnels préparant la Sydney-Hobart dans trois semaines, en fait un moment exceptionnel.
Des monstres de technologie, à la pointe de la performance se tirent la bourre à quelques mètres de notre voilier de 37 pieds (11 m). Le craquement des winchs, des gréements grinçants sous les efforts demesurés de ces machines de 100 pieds (30 m) est impressionant.
Évidemment, nous ne jouons pas dans la même cour, mais je ne peux m’empêcher de les saluer. Certains, lèvent le bras en réponse.



La journée se termine dans une bonne ambiance de ponton, pas trop guindée, à discuter du classement et des évènements de course. Nous finissons 3 ème sur la ligne et 6 ème avec le handicap.
La régate n’est définitivement pas mon monde, mais je suis ravi d’avoir participé à cette expérience inoubliable une fois dans ma vie.
Merci Marc et l’équipage d’Idle time pour votre confiance.
Mon séjour à Sydney va désormais se prolonger pendant deux à trois semaines puisque j’ai commencé un travail de jardinier jusqu’à 15h et livreur à vélo le soir avec uber eats. Taylor, merci beaucoup.
Les bureaux



Ces boulots sont temporaires, car je veux reprendre mon chemin avant les fêtes pour me diriger tranquillement vers les alpes australiennes et la “great ocean road” plus au sud.
Ma place n’est tout simplement pas en ville, aussi sympa soit elle.
Aussi, la saison pour traverser l’Outback (à partir de mai) approche doucement et j’ai encore du pain sur la planche pour en arriver jusque là.
Des bisous.
Steve
Une expérience encore inoubliable et un article tellement bien écrit.Ta culture générale va vraiment être incroyable au retour!! Sympa la référence au Boxing Day.
Bravo
Merci beaucoup. Différent de l’apprentissage à l’école.
Bisous bisous
quelle belle expérience tu as vécu ! . Bon courage pour le jardinier et le livreur que tu es. A bientôt dans ta prochaine publication.
Merci. Les cuisses chauffent pour livrer les pizzas et les repas.
C’est bon pour la forme.
La bise